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Entretien / Ça bouillonne toujours pour Frédéric Coureau

Merci Damien Caillard pour ce superbe article ;) diffusé dans 'Le connecteur'... Découvrir le 'Connecteur : https://www.leconnecteur.org/entretien-ca-bouillonne-toujours-pour-frederic-coureau/

Vous l’avez forcément vu, que ce soit à la CCI, chez Pascalis ou au Journal de l’Eco dont il a été le fondateur et l’emblématique directeur : Frédéric Coureau a connu plusieurs vies dans l’écosystème clermontois. Il se passionne pour les périodes de « bouillonnement », ces moments rares et jamais bien longs durant lesquels se façonnent les nouvelles technologies et les nouveaux services : télé par câble, internet, communautés, médias numériques, start-ups … retour sur un itinéraire éclectique.

Quand tu résumes ta vie, tu parles d’intensité, de bouillonnement, de création…

On vit dans un monde formidable, où la société doit se réinventer chaque matin. C’est à la fois angoissant et exaltant. Ça bouillonne… Et quand ça ne bouillonne pas, je m’éteins. J’ai besoin de ce bouillonnement, d’ailleurs je partage ma vie avec une artiste [Nokat] qui réinvente toujours son oeuvre, ça me fait une vie intense. Le plaisir, c’est de savoir se réinventer.

Dès le début de ma carrière, l’innovation était le fil conducteur. A titre amateur, j’avais participé au lancement de la radio sur bande FM dans les années 80. En 1989, je démarre dans la télé par câble, à l’époque où il y avait quatre chaînes en France. J’ai connu le lancement de Canal J, de Eurosport, de Paris Première…

Qu’est-ce qui te plaisait dans ces différents jobs ?

Mon premier job pour le câble, c’était d’aller analyser le marché aux USA, de comprendre le public, les bonnes pratiques. Arriver à structurer une offre pour le marché français. [À cette époque], participer, c’est être associé à la réflexion en amont des chaînes : comment on les propose au public, comment on les lance, comment on en fait la promotion.

« Le plaisir, c’est de savoir de réinventer »

Il s’agissait du premier bouillonnement digital [au début des années 90]. Internet n’existait pas vraiment, on commençait à envoyer des mails mais il n’y avait pas d’offre. Comme pour la radio, on avait construit des réseaux, des fréquences, des infrastructures … avant de penser les contenus. C’était les restes des « plans » à la soviétique, comme le Plan Câble. Ce n’est que plus tard que les notions marketing sont arrivées.

En 2002, changement de voie avec la création de Pascalis, à Clermont.

J’ai eu la chance de bénéficier de la confiance de Serge Godard [maire de Clermont] et de Jean-Yves Gouttebel [président du Conseil Général] pour prendre la direction de ce qui allait devenir Pascalis, co-financé par l’agglo et le CG. C’était la première génération digitale : un hôtel d’entreprise, une pépinière pour les entreprises du numérique, et une ZAC vide à remplir. Une sorte de Bivouac 1.0 … Je travaillais avec l’incubateur BUSI, présent dès le début, et on a monté un programme avec les grandes écoles et les universités pour sensibiliser à l’entrepreneuriat.

[Plus globalement,] je devais structurer la filière, et faire naître une génération de créateurs. C’était l’époque de Kartoo, d’Allegorithmic, qui étaient hébergés à Pascalis au début. L’idée principale consistait à apporter une couche de services pour faciliter l’émergence des startups : les faire passer de porteurs de projets à entrepreneurs, puis à jeunes entreprises. C’est ce qu’on appelle maintenant de l’incubation, mais ça se faisait naturellement à l’époque. Au total, j’ai participé à l’émergence de 24 startups, qui représentaient 70 emplois.

Comment se passait l’interaction avec les acteurs « traditionnels » ?

Les politiques ne voyaient pas forcément les choses comme cela. Ils en restaient à la notion d’investissement dans les murs et les ‘tuyaux’, sans penser à la dynamique. En même temps, les premiers investisseurs sortaient meurtris de l’éclatement de la première bulle internet. Il fallait redonner confiance.

« Ce qui s’appelle maintenant de l’incubation se faisait naturellement à l’époque »

J’ai pris le parti de ne pas rester dans les clous : au lieu de faire des commissions, on a monté un grand barbecue en invitant les entrepreneurs, les banquiers, les politiques … et tout le monde est venu ! A l’époque, c’était exceptionnel. Des liens ont commencé à se tisser, sur le plan humain notamment. On a aussi lancé des cycles d’événements, des micro-manifs à raison de deux ou trois par semaine sur des thèmes différents, comme les Petits Déjeuners de la création avec Gilles Flichy.

Ton expérience suivante, à la CCI, fut plus mouvementée.

L’aventure Pascalis a duré 3 ans, jusqu’à ce que le bâtiment soit plein. Puis j’ai reçu un appel de Jean-Philippe Genova, président de la CCI Clermont-Issoire, qui me propose le poste de directeur de la communication. Ses ambitions étaient d’intégrer les « TIC » aux CCI, et de créer un gros pôle événementiel. En 1996, j’avais créé ma première boîte d’événementiel [après la période « câble »], elle s’appelait « Juste Equilibre ». C’était ma première expérience d’entrepreneuriat, et on a fini par gérer de nombreux salons avant d’être repris par GL Events.

A la CCI, je cherchais donc un vrai challenge. Et j’ai eu carte blanche pour créer un pôle événementiel fort et structuré, en parallèle d’une plateforme numérique communautaire appelée Ecobiz. Le but était que de jeunes entrepreneurs puissent échanger entre eux, soit par thématique métier, soit par niveau de maturité. Jean-Philippe Genova m’a dit banco, et le service est passé de 4 à 13 personnes. Hélas, quand la présidence de la CCI a changé, le projet a été arrêté : 300 000 € de perdus. C’était un moment difficile, avec une grosse perte de motivation.

Que retires-tu de cette expérience dans le secteur public ?

Je voulais me reprendre en main, après plusieurs expériences institutionnelles. Je me suis rendu compte qu’il faut une grande capacité de résilience : les politiques pilotent pas mal de choses, mais il peut y avoir des changements brutaux de cap, de stratégie. Et cela peut être très décevant. Moi, je veux avoir l’envie de me lever le matin pour faire 10 heures de boulot.

C’est à ce moment que tu bifurques vers une expérience média…

A la CCI, j’avais notamment pour mission de coordonner les médias comme la page dans La Montagne, le site internet, la revue officielle. J’avais donc appris le travail éditorial, la mise en page, la gestion de pigistes … [En quittant la CCI], mon idée était de reprendre le concept Ecobiz en lui ajoutant une couche éditoriale, car les plateformes collaboratives ne fonctionnent pas sans contenu. De mon amie Florence Devouard – ex. Présidente de la Fondation Wikipédia et fondateur de Wikimedia France, j’ai retenu un précieux conseil : Pour qu’une telle plateforme démarre, il faut une masse critique : l’éditorial, puis la communauté, puis le collaboratif et les services qui prennent appui dessus.

Qu’as-tu découvert en t’occupant du Journal de l’Eco ?

En avril 2012, je lance le journal, et je suis rejoint par plusieurs amis – une dizaine de personnes, réunis pour la plupart grâce à l’action de tête Gilles Flichy – qui deviennent actionnaires et constituent un conseil de soutien.

On a fini à 9 salariés en 2017, avec des éditions à Clermont, Lyon et Paris. J’ai appris qu’un média, c’est chronophage ! J’avais deux développeurs pour le site, mais 95% de mon temps était consacré à coordonner et à produire de l’éditorial, à raison de 8 à 10 articles par jour. Nous avions un journaliste, un rédactrice et un réseau d’une douzaine de rédacteurs indépendants.

Peux-tu nous résumer son business model ?

Le Journal de l’Eco devait structurer un pool d’actionnaires stable pour avoir le temps d’installer un nouveau titre. Afin de pouvoir travailler le modèle éco, avec la notion de plateforme collaborative de service en ligne, adossée au journal, et générer un flux business entre les entreprises. La publicité n’était pas le levier principal : je n’y croyais pas trop, dès le départ. Il y avait déjà un débat. C’était d’abord une plateforme collaborative économique, avec un premier service qui était éditorial. Pour cela, nous avions – en plus du pool initial – le soutien important de Gilles Crémillieux à La Montagne, que je tiens à remercier, et du Crédit Mutuel Massif Central.

« Le Journal de l’Eco était d’abord une plateforme collaborative économique. »

On était, avec NewsAuvergne, le premier quotidien auvergnat pure player, sans volonté de se développer sur le papier. De plus, dès le départ, le ‘JDE’ était basé sur un mariage entre l’humain et la techno.

C’était une sorte de tryptique : 1/ pour que les gens soient attirés par un contenu de qualité 2/ pour qu’ils se rencontrent physiquement 3/ et pour qu’ils prolongent l’expérience avec la plateforme communautaire et des services. Le média n’était que la partie émergée de l’iceberg, dans le cadre de la recherche d’un cercle vertueux, pas de Business Units en parallèle.

L’aventure Journal de l’Eco est maintenant terminée. Qu’aurais-tu fait autrement ?

Rétrospectivement, j’aurais mieux maîtrisé le développement : quand on vise un cercle vertueux, ce sont des maillons qui s’enchaînent, qu’il faut lancer successivement et non pas en parallèle. Par exemple lorsque tu lances une édition comme Paris, tu découvres que tout est différent. Enchainer 2 rendez-vous, c’est prévoir 2 heures de déplacement… et parfois plus. Moralité, tout devient très très différent et bien trop chronophage !

Il faut maîtriser sa croissance et ne pas sous-évaluer les besoins en capitalisation. Ce qui n’est pas forcément compliqué, un tour de table restant souvent faisable. Mais tout cela doit se concevoir dans une vision globale, et dans le temps. C’est cette sous-évaluation du besoin en capital qui a rendu le modèle économique difficile. La plateforme de services du Journal de l’Eco n’a ainsi pas pu être lancée car il manquait six mois de financement pour finir le développement de sa technologie.

Quels sont tes projets depuis 2017 ?

Il y a deux façons de concevoir « l’après » : soit comme un drame, soit comme un formidable laboratoire. Pendant cinq ans, on a testé plein de choses [au Journal de l’Eco], des méthodes pour générer de l’audience, des technos, du référencement naturel… c’est un capital à ne pas dilapider. Et la meilleure manière est de l’apporter dans une nouvelle entreprise. D’où ma nouvelle agence digitale appelée Mintaka, où j’accompagne à la prise de parole sur internet, au référencement, aux réseaux sociaux…

Je suis aussi en charge du développement d’une filiale conseil et événementielle pour la société All Numéric. David Marquillie à créé une belle société. Ses ambitions en matière de développement, je les partages et l’agence événementielle que qu’il à initiée et que j’accompagne n’est qu’une première étape.

« J’ai la capacité à me dire que chaque matin est une nouvelle vie. »

[Au final], j’ai vécu des moments exaltants mais également difficiles. Je suis content car je n’ai pas le sentiment que ce travail a été fait pour rien. L’expertise acquise a enrichi le terreau dans lequel je construis des choses, et précisément aujourd’hui, il y a beaucoup de domaines à inventer ou ré-inventer. Il faut, à la fois, capitaliser sur son expérience et se considérer comme un éternel apprenti.

Aujourd’hui, à 52 ans, j’ai la capacité à me dire que chaque matin est une nouvelle vie. Je pense vraiment être résilient, et que le plus beau reste à venir.

Voir l'article complet de Damien Caillard dans le Connecteur :


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